Le 29 juillet 2024, de nombreuses organisations syndicales dont Solidaires, ont publié un communiqué intitulé "Communiqué unitaire suite à la décision de la CEDH sur l’interdiction d’achat d’actes sexuels" [1]. Ce communiqué se réjouit de la décision de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) de rejeter la demande de 261 travailleuses du sexe (TDS), pour les deux-tiers migrantes, d’abroger la loi de pénalisation des clients en France, en vigueur depuis avril 2016.
A travers la signature de ce communiqué, Solidaires s'inscrit dans un positionnement sur le travail sexuel fondé sur la non reconnaissance de cette activité comme un travail, sur la défense de la loi de pénalisation des clients ainsi que sur la criminalisation de la solidarité entre travailleur.ses du sexe qui tombe sous le coup de la loi contre le proxénétisme.
Si un tel positionnement a bien été voté lors du 6e congrès de l'Union Syndicale Solidaires en 2014, lors duquel notre union "refuse de considérer que la prostitution est un métier ou une offre de service" [2], ce sujet n'est plus consensuel aujourd'hui parmi les syndicats de l'union.
Solidaires Etudiant·es
Lors de son congrès de 2013, Solidaires Etudiant·es demande l’abrogation du projet de loi dit de pénalisation des clients et de toutes les lois répressives concernant la prostitution. De plus, Solidaires Etudiant·es appelle dans son cahier revendicatif publié en 2020 à "L’abrogation de la loi de 2016 sur la prostitution qui pénalise les client-e-s des travailleur-se-s du sexe" [3] sur l'argument suivant :
"Pour les étudiant-e-s en situation de précarité financière (et notamment les étudiantes), le travail du sexe peut devenir une source de revenu permettant de poursuivre leurs études. Mais depuis 2016, toute personne qui recourt à des services sexuels est pénalisé, ce qui a eu pour conséquences une forte baisse des revenus pour les travailleur-se-s du sexe sans aucune compensation de revenu par ailleurs, une augmentation des violences à leur encontre et une hausse des rapports non-protégés. Cette loi voulant accompagner les travailleur-se-s du sexe a donc eu pour effet de les précariser encore davantage dans l’exercice de leur activité." (p14)
1er mai 2023
De plus, lors de la manifestation parisienne du 1er Mai 2023, en pleine mobilisation contre la réforme des retraites, la prise de parole conjointe du Pink Bloc accueilli dans notre cortège et d’un militant du STRASS, a été refusée du fait de la position de l’Union Syndicale Solidaires concernant le Travail du Sexe. Il était question de parler de France Dulac, une travailleuse du sexe de 74 ans qui n’a aucune retraite. Suite à ça, Solidaires informatique a initié un groupe de travail afin de faire évoluer les positions de notre syndicat sur cet enjeux [4].
Solidaires informatique
Le 3 octobre 2024, Solidaires Informatique publie un communiqué de réaction au communiqué unitaire faisant suite à la décision de la CEDH, en revendiquant les positionnements suivants :
• Solidaires Informatique demande à ce que Solidaires reconnaisse les travailleur·euses du sexe et permette leur syndicalisation au sein de son union syndicale ;
• Solidaires Informatique ne se reconnaît pas dans la position abolitionniste de Solidaires et demande à ce que cette position soit abandonnée ;
• Solidaires Informatique milite pour l’abandon des lois pénalisant le travail du sexe qui précarisent et mettent en danger les personnes concernées.
Tribune dans Politis
Le 4 octobre 2024, une tribune intitulée "Syndicalistes, donc solidaires des travailleur.ses du sexe !" est publiée dans Politis pour dénoncer la signature du communiqué unitaire et plus largement la position abolitionniste des organisations syndicales françaises. Parmi les signataires de la tribune, nous comptons des dizaines d'adhérent·es de Solidaires, mais également des structures telles que l'Union Syndicale Solidaires 21, SUD éducation Bouches du Rhône, SUD éducation Lorraine nord et SUD éducation Lorraine sud. Cette tribune se conclut par un appel à "soutenir les luttes des travailleur·ses du sexe", à leur permettre d'accéder au droit du travail à former et rejoindre des syndicats, bien loin de la position adoptée lors du congrès de notre Union. [6]
Plus récemment encore, la fédération SUD éducation a lancé un groupe de travail sur ce sujet afin de réfléchir à la position de notre fédération.
Ainsi, nous considérons que la signature du communiqué unitaire de juillet dernier par Solidaires n'est pas démocratique. Sur un sujet aussi peu consensuel que celui-ci, notre syndicat ne doit pas prendre de positions publiques aussi fermes. Nous appelons donc l'union syndicale Solidaires à ne plus soutenir de tels positionnements publics sur le travail du sexe tant qu'un vrai débat n'aura pas lieu, construit en étroite collaboration avec les personnes concerné·es.
[1] https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/communiques/communique-unitaire-suite-a-la-decision-de-la-cedh-sur-linterdiction-dachat-dactes-sexuels/
[2] https://solidaires.org/documents/39/congres_2014.pdf
[3] https://solidaires-etudiant-e-s.org/site/wp-content/uploads/2020/09/Cahier-des-revendications-precarite-Solidaires-Etudiant.e.s.pdf
[4] https://solidairesinformatique.org/2023/06/02/groupe-de-travail-relatif-au-travail-du-sexe/
[5] https://solidairesinformatique.org/2024/10/03/decision-cedh-tds-2024/
[6] https://www.politis.fr/articles/2024/10/tribune-syndicalistes-donc-solidaires-des-travailleurs-du-sexe/