Monsieur le recteur d’Académie, Madame la DASEN 1er degré, Monsieur le chef de service du CASNAV,
Nous souhaitons via ce courrier vous interpeller sur les conditions de scolarité des élèves allophones nouvellement arrivé-es et notamment sur les décisions de maintiens qui pourraient les concerner suite aux récents changements dans ce domaine.
Le décret 2024-228 du 16 mars 2024 qui porte sur les maintiens, indique en effet qu’un maintien à l’école élémentaire peut être désormais décidé, et plus seulement proposé, par le conseil des maîtres. Il est spécifié toutefois dans ce décret que « Lorsqu'elle porte sur un élève en situation de handicap, la décision de redoublement ou de raccourcissement est prise après avis de l'inspecteur de l'éducation nationale chargé de la circonscription du premier degré. »
À aucun moment dans ce décret il n’est fait référence à d’autres exceptions que celles des enfants en situation de handicap.
Or, il apparaît qu’à Paris les élèves dit-es allophones arrivant-es et qui relèvent d’une prise en charge en UPE2A sont également soumis-es, concernant les maintiens à l’avis de l’ien de circonscription. La raison en est un courrier émanant de Monsieur Emmanuel Deschamps, chef de service du CASNAV datée du 27 mars 2024 qui indique que toute décision de maintien « ne peut être arrêtée qu’après avis favorable de l’ien de circonscription. » Cette préconisation est complétée par le paragraphe suivant :
« Le REDOUBLEMENT en élémentaire est une mesure qui ne peut être prononcée qu’après consultation de l’IEN de la circonscription concernée et émission de son avis favorable. Cette décision ne saurait réellement faire sens qu’à l’issue de l’année scolaire où l’EANA aura pleinement et durablement inclus en classe ordinaire – et non dès sa sortie du dispositif – soit minimum deux années après son arrivée.»
Nous avons donc plusieurs questions à ce propos :
1) Un courrier du chef de service du CASNAV peut-il faire sortir les élèves allophones arrivant du droit commun et donc du camps du décret du 16 mars 2024 ?
2)En cas d’avis divergent entre l’ien de circonscription et le conseil des maître-sses, quelle est la procédure à suivre ?
3) Que faut il entendre par « deux ans après son arrivée » ? Arrivée dans une école ? Arrivée dans un dispositif UPE2A ? Arrivée sur le territoire français ?
À SUD éducation Paris, nous ne sommes pas spécifiquement favorable au maintien/redoublement pour faire progresser les élèves et nous considérons que ce choix doit revenir en dernier lieu aux familles, cela permettant notamment le dialogue avec l’équipe pédagogique.
Nous constatons d’ailleurs que les équipes pédagogiques n’avaient pas attendu le décret de 2014 qui laissait le dernier mot aux familles pour n’envisager le maintien que comme un choix de dernier recours vu que depuis 2004 les taux de redoublement étaient en forte baisse.
Nous entendons également que la situation politique et sociale, avec en particulier la montée du racisme et de la xénophobie, pourrait inciter à vouloir protéger les élèves allophones arrivants de discriminations.
Ceci étant, nous ne voudrions pas que le prétexte de discriminations visant ces élèves serve de paravent à des préconisations et mesures qui dans la situation actuelle, à savoir l’état du service public d’éducation, sont elles mêmes potentiellement discriminantes.
En effet, comment peut-on en même temps limiter la durée pendant laquelle un-e élève peut bénéficier d’un accompagnement UPE2A, les possibilités d’inscription en N-1, supprimer toute limite au nombre d’élèves accueilli-es en UPE2A, enlever les quelques mesures spécifiques qui facilitaient la pédagogie de projets (par exemple les heures de pvp spécifiques pour les UPE2A), ne mettre en place aucun dispositif d’aide spécifique (ethnopsy, orthophoniste, relais pour les difficultés administratives…), fermer des classes dans les écoles où il y a des UPE2A, ne pas remplacer les enseignant-es UPE2A quand ils et elles sont absent-es, ne prévoir aucune mesure favorisant le suivi des élèves relevant de dispositifs dans les écoles qui en sont dotées…. et considérer qu’on favorise la réussite des élèves en question ?
Le principe qui régit la scolarisation des EANA est celui de l’adaptation aux besoins particuliers de l’élève. Or, à force de préconisations qui font confusion quant à leur statut dans la hiérarchie des normes et qui sont couplées avec des restrictions au niveau des moyens d’aide dans les écoles, et notamment des RASED, on en arrive à une situation où il y a une véritable atteinte à la prise en compte de ces besoins particuliers et donc discrimination.
Ces préconisations/injonctions dépossèdent également les équipes pédagogiques, dans les écoles dotées de dispositifs, de leur expertise et de leur réflexion commune concernant les élèves qu’elles connaissent et qu’elles ont à cœur de voir s’épanouir et progresser. Ceci d’autant plus qu’aucun espace de dialogue permettant la prise en compte des situations spécifiques des élèves dont il est question ne semble ouvert.
Tant qu’à se soumettre sans discussion ni réflexion possibles à des demandes institutionnelles, SUD éducation Paris souhaite donc avoir un éclaircissement officiel concernant le statut de ces demandes émanant du CASNAV et des IEN et leur valeur par rapport aux textes officiels et notamment par rapport au décret du 16 mars 2024 . Ceci afin que dans les circonscriptions les décisions concernant la scolarité des élèves à besoins particuliers que sont les EANA soient prises de manière réfléchie et concertée le plus largement possible et non de manière contrainte mais aussi afin que cesse la rupture d'égalité que créent ces injonctions contradictoires, des IEN décidant de se ranger soit du côté du droit commun, soit de suivre les préconisations du Casnav.