« L’éducation nouvelle prépare chez l’enfant, non seulement le futur citoyen capable de remplir ses devoirs envers ses proches et l’humanité dans son ensemble, mais aussi l’être humain conscient de sa dignité d’homme » (Principe de la Ligue Internationale d’Éducation Nouvelle, 1921)
SUD éducation se prononce pour la popularisation et l’usage en classe des pédagogies coopératives. Pour autant, SUD ne prétend pas trancher entre les différents courants existants (pédagogie Freinet, GFEN, pédagogie institutionnelle…) : ces fiches pédagogiques ont pour objectif de les présenter, libre à chacun·e de se les approprier en fonction de ses choix et de sa pratique. Vous trouverez dans cette fiche une présentation de la pédagogie institutionnelle, rédigée par des militant·es pédagogiques syndiqué·es à SUD éducation.
Éducateur·es et savant·es pour une Éducation Nouvelle
Après la première guerre mondiale, pédagogues et savants se retrouvent et se questionnent afin de développer une culture de paix, s’érigeant contre une éducation traditionnelle et rigide visant à l’obéissance. Ce mouvement s’affirme au sein de la Ligue Internationale d'Éducation Nouvelle dont fait partie le GFEN (Groupe français d’Éducation nouvelle) avec une idée forte, « tous capables ». Sous l’influence de penseurs tels que Rousseau, Pestalozzi, ou Jacotot, les premier·es militant·es du GFEN, Wallon ou Langevin vont travailler à créer un mouvement de recherche et de formation dont le but sera d’insuffler ses principes au sein de l’éducation des enfants. Il s’agira d’inscrire l’Éducation Nouvelle contre la compétition et l’ individualisme et pour des apprentissages solidaires mais également contre l’idéologie du don ou du handicap socio-culturel.
Ainsi le slogan « tous capable » signifie que chaque enfant a les capacités de comprendre et de créer, et donc d’être responsable de sa propre histoire. Le but est de faire de chaque enfant un acteur de sa propre vie. Il doit certes apprendre des connaissances mais aussi développer ses compétences citoyennes.
La démarche d’auto-socio-construction
« La véritable activité n’est pas l’activité extérieure, l’activité d’effectuation, c’est l’activité de l’esprit à la poursuite de la connaissance » (Édouard Claparède, L’éducation fonctionnelle)
Concept central du GFEN, théorisé par Henri et Odette Bassis, l’auto-socio-construction peut se résumer en 4 grandes axes (repris du site du GFEN) :
- 1/ L’apprentissage se fait grâce à des « démarches », outils réfléchis et discutés collectivement, confrontés à la réalité du terrain. Ces démarches se donnent comme but de mettre en place des situations accessibles à tou·tes mais qui questionnent néanmoins. « La consigne consiste donc à impulser une action dont l'objectif est fixé, en effet, mais non point la conduite, tout entière laissée à l'initiative de l'apprenant. »
- 2/ Le savoir se construit ! Il est important de montrer aux enfants la construction historique du savoir et les discussions entre scientifiques. Cela peut passer par des projets fait avec les élèves qui les mettent en situation de création tel que peuvent l’être des philosophes ou des historiens.
- 3/ Les démarches inventées par le GFEN sont dites d’ « auto-construction ». Les apprenant·es font face à des situations dans lesquelles ils doivent s’approprier les savoirs et non pas simplement les connaître.
- 4/ L’apprentissage est un apprentissage collectif, d’auto-socio-construction. L’apprenant·e apprend avec les autres, l’enseignant·e.
La démarche d’auto-socio-construction se veut une démarche systémique où chaque élément interagit avec les autres, comme le montrent le schéma ci dessous (repris du site du GFEN) :
Ainsi, le travail de l’enseignant·e va être lié à 4 dimensions :
- celle du savoir → se pose alors la question du but du travail donné.
- celles des situations → par quel moyen atteindre les buts fixés ?
- celles des apprenant·es → comment organiser la démarche pour une confrontation collective ?
- celle de l’apprenant → l’enseignant·e va devoir observer chacun·e des apprenant·es
Le travail de l’apprenant·e aura des liens aussi avec 4 dimensions
- celle des situations où les apprenant·es doivent se lancer dans la recherche.
- celle des apprenant·es avec une confrontation à la réflexion des autres
- celle de l’enseignant·es qui donne le ton (confiance et exigence)
- celle des savoirs où l’apprenant·e doit en faire ses savoirs, se les approprier.
Un exemple d’auto-socio-construction, le texte recré
Inventée dans les années 70 dans le cadre du groupe du XXème arrondissement (un regroupement d’école dans le 20ème arrondissement de Paris), la démarche de texte recré avait pour but de faire vivre le texte. Cette pratique se fait mais en français mais peut très bien s’adapter à d’autres matières « littéraires ». Il faut expliquer aux apprenant·es ce qui va être demandé : après lecture d’un texte, sans prise de note, les apprenant·es vont devoir essayer de le réécrire en utilisant leur mémoire et en discutant ensemble.
Plusieurs étapes pour cela :
- 1/ Dans un 1er temps, il faut lire le texte à voix haute sans que personne ne prenne de notes.
- 2/ Ensuite, il faut demander aux apprenant·es de reconstituer individuellement le texte (noter les mots dont ils se souviennent en essayant de les replacer dans l’ordre du texte)
- 3/ Par groupe de 4, les élèves se mettent d’accord sur une version du texte à proposer.
- 4/ En groupe entier, chaque groupe fait ses propositions, discutent pour arriver à une unique proposition. A cette étape, il faut argumenter.
- 5/ On peut afficher le texte original à côté du texte reconstitué pour les comparer (oublis, erreurs).
Ce travail permet d’investir le texte de manière différente, collective et force les apprenant·es à réfléchir au sens des mots employés ou à l’ordre des phrases. Les différentes étapes peuvent être plus ou moins modifiées (une ou plusieurs lectures, pas de travail individuel, pas de travail de groupe) en fonction du groupe d’apprenant·es.
Une expérience historique et collective
Si les enseignant·es et militant·es du GFEN essaient d’implanter dans leur classe leurs démarches à titre individuel, il faut également noter une expérience collective, du groupe du XXème arrondissement où tout une circonscription a essayé de travailler ensemble à l’aide de démarches d’auto-socio-construction. Il s’agira de coordonner des démarches sur plusieurs écoles, avec l’aide d’autres professionnels (assisant·es sociaux·ales par exemple) et des parents avec pour objectif de faire entrer en 6ème le plus grand nombre d'élèves de quartiers populaires, à une époque où l’entrée au collège était plus compliquée.
Cet esprit collectif se retrouve également dans la revue du GFEN, Dialogue qui sert de devanture au mouvement. Chaque numéro vient montrer les réflexions et les discussions entre les militant·es d’Éducation Nouvelle. Le GFEN, se voulant un mouvement de recherche, va aussi mettre en place des universités d’été, des stages et autres formations qui vont leur permettre de démocratiser leur démarches auprès d’enseignant·es mais aussi d’autres types de pédagogues (travailleurs·euses sociaux·ales, animateurs·trices...Etc).
Aujourd’hui, la ligue internationale n’existe plus mais le GFEN travaille avec d’autres mouvements au sein du LIEN, Lien internationale pour l’Éducation Nouvelle ou au sein de mouvements tels que convergences avec d’autres mouvements d’Éducation Nouvelle (comme les CEMEA ou l’ICEM par exemple).