Le programme ministériel de revalorisation des enseignant·es se décompose en deux parties : une partie "Socle", qui se traduit par une augmentation des primes et un accès facilité à la hors classe, et une partie "Pacte", qui se résume à un catalogue d'heures supplémentaires.
Alors que la partie "Socle" va toucher quasiment l'ensemble des enseignantes et enseignants, la partie "Pacte" est quant à elle une énorme usine à gaz inégalitaire et concurrentielle. Plusieurs catégories de personnels, qui ont des rémunérations très faibles et qui font partie des équipes pédagogiques, les AESH par exemple, en sont de plus exclu·es, ce qui en soit est un scandale si on raisonne en terme de possibilité d'amélioration de niveau de vie.
Le pacte développe la concurrence
La logique de ce Pacte, c'est de proposer une enveloppe fermée d'heures supplémentaires, qui seront réparties dans les écoles et les établissements puis distribuées par les chef·fes d'établissement ou les directeurs et directrices.
Ce n'est pas un scoop : le découpage du budget alloué pour le Pacte est prévu pour ne pas permettre d'attribuer une part de Pacte à chaque personnel et les responsables de la distribution de ces missions supplémentaires devront donc décider à qui elles pourront être attribuées.
Alors que le ministre se vante de revaloriser les enseignant·es grâce au Pacte, il est clair que son objectif n'est pas de tous·tes les revaloriser puisqu'il n'y a pas suffisamment de propositions de missions pour le faire. Dans le cas où trop d'enseignant·es souhaiteraient en profiter, cela renforcerait le pouvoir des hiérarchies pour les distribuer. Deux raisons pour lesquelles nous nous opposons au Pacte et exigeons une revalorisation de tous-tes sans contrepartie
On comprend aussi pourquoi les décrets de la loi Rilhac sortent en même temps que le Pacte : dans le 1er degré, cette mesure implique que les chargé·es de direction aient un vrai rôle de manager puisqu'ils et elles devront éventuellement départager des enseignant·es postulant sur un même pacte.
le pacte renforce les inégalités
Et ce n'est pas tout : non seulement ce Pacte introduira une dose supplémentaire de concurrence et de management dans l’Éducation nationale, mais en plus il accentuera des inégalités déjà criantes entre les personnes qui peuvent travailler plus et celles qui, pour différentes raisons (contraintes familiales, problèmes de santé, handicap, temps de trajet domicile-travail...), n'en ont pas la possibilité. À titre d'exemple, les hommes enseignants du 2d degré touchent en moyenne 245 € bruts mensuels d'heures supplémentaires alors que les femmes enseignantes du 2d degré ne touchent que 162 € bruts mensuels.
Taillé sur mesure pour développer le remplacement de courte durée dans les collèges et les lycées, le Pacte creusera aussi les inégalités entre les enseignant·es du 2d degré et les professeur·es des écoles, dont l'emploi du temps hebdomadaire est plus chargé et qui devront en plus aller dans le collège de secteur pour assurer la mission prioritaire d'accompagnement en 6e. Notons au passage que 84% des professeur·es des écoles sont des femmes alors que cette proportion est plus équilibrée moindre dans le 2d degré. Tout comme la contre-réforme des retraites, le pacte révèle donc à quel point la réduction des inégalités de traitement entre les hommes et les femmes n'est pour ce gouvernement qu'un artifice argumentaire brandi avec opportunisme.
Enfin, le Pacte est un outil mis au service de la réforme du lycée professionnel puisque les PLP qui voudront y souscrire devront accepter un bloc de 6 missions supplémentaires destinées à mettre de l'huile dans les rouages de la machine de la transformation de la voie professionnelle.
Et à Paris ?
La dotation pour l'académie de Paris est désormais connue : elle confirme que les enveloppes de Pacte seront limitées et qu'elles seront très inégalement réparties.
Dans le 1er degré, le budget sera ainsi de 4203 "parts fonctionnelles" (c'est-à-dire 4203 blocs d'heures supplémentaires correspondant à 1250€ bruts annuels par bloc) pour 8400 professeur·es des écoles, soit ½ part par personne.
Pour le 2d degré, l'enveloppe globale est de 12 211,5 parts fonctionnelles dont 4944 parts fonctionnelles pour les PLP pour un peu moins de 8000 certifié·es et agrégé·es et environ 1200 PLP, soit un peu plus d'une part par personne pour les certifié·es et agrégé·es et un peu plus de 4 parts par PLP (ou plutôt un bloc de 6 parts pour 2 PLP sur 3).
Voir le détail établissement par établissement : Dotation académique pour Paris
Dans un contexte où le gouvernement nous impose de travailler plus longtemps, il nous oblige aussi à travailler plus d'heures pour maintenir un niveau de vie et un pouvoir d'achat dévorés par l'inflation et des années de gel du point d'indice.
Les choix opérés par Macron et Borne en matière de dépenses publiques sont très clairs : les crédits d'impôts sont maintenus pour les entreprises (parmi lesquelles certaines participent directement à la destruction de l'environnement) mais les fonctionnaires doivent se serrer la ceinture. Tout est fait pour assurer de beaux jours au système d'exploitation sociale qui permet à quelques un·es de manger du homard tous les jours en faisant le tour du monde en jet privé tandis que les autres sont condamné·es aux pâtes-riz et à la bronzette à la Villette.
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